In Memoriam
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In memoriam (1996, tiré à 200 ex) + lettre relative à la chapelle Ste Rita de Fontenay aux roses + lettre à Catherine Millet, rédactrice en chef d'art press
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Le 6 juin 1962, Yves Klein se pose
Yves Klein comes to rest June 6, 1962
Lettre à propos de la chapelle Ste Rita à Fontenay aux-Roses
Paris le 15 juin 1996
Nous venons de découvrir que sur le lieu où Yves Klein a fait “Son saut dans le vide” en octobre 1960, à Fontenay aux-Roses, a été élevé une chapelle dédiée à Sainte Rita de Cascia, inaugurée en novembre 1992.
Le récit que nous vous faisons ici est l’exact compte rendu de ce qui nous a amené, le 29 mai 1996, au 7 rue Gentil Bernard.
En janvier de cette année nous revoyons “A bout de souffle” de Jean-Luc Godard.
Peu de temps après, nous passons par hasard au carrefour du boulevard Raspail et de la rue Campagne Première. Nous nous y arrêtons, car il était plusieurs fois question de cette rue dans le film. C’est aussi là que le personnage joué par Jean-Paul Belmondo court tout le long de la rue avec un balle dans le dos pour s’écrouler au passage clouté.
Tony Frank a alors l’idée de faire une vidéo où il refilmerait la scène : Pierre Yves courrait de la même façon pour s’écrouler, au même endroit, dans la silhouette d’un corps étendu, dessinée au préalable à la craie sur la chaussée, comme une cible.
Cette idée ne nous satisfait pourtant pas. Nous ne réaliserons pas la vidéo en question.
Un matin, quelques jours après, Pierre Yves, repensant à la rue Campagne Première, prend le catalogue de l’exposition “Hors Limites” dans lequel il se souvenait avoir lu la légende d’une photo où il y était fait allusion (p 100, légende p 101). Il s’agit d’une réunion des nouveaux réalistes, rue Campagne Première chez Yves Klein.
Pierre Yves s'aperçoit alors qu’Yves Klein avait habité cette rue.
C’est à ce moment précis qu’il fait le lien entre la chute de Belmondo dans “A bout de souffle” et la photo de l’envol d’Yves Klein, “Le Saut dans le vide”.
Il rephotographie toute cette scène d’“A bout de souffle”, image par image et s’arrête sur celle où Belmondo-Yves Klein se pose à terre comme une feuille.
Nous décidons que cette photo fera partie de nos envois, travail entrepris en commun depuis l’automne 1995. S’agissant, dans nos esprits, de la mort de Belmondo-Yves Klein, Tony Frank veut que cet envoi soit en souvenir de la mort d’Yves Klein, le 6 juin 1962. Nous l’enverrons donc pour le 6 juin 1996—le 34ème anniversaire de la mort d’Yves Klein, à l’âge de 34 ans. Elle sera simplement accompagnée d’une légende : “Le 6 juin 1962, Yves Klein se pose. Yves Klein comes to rest June 6, 1962”.
Tony Frank décide aussi que nous posterons ce courrier de Fontenay-aux-Roses, où Yves Klein a pris son envol.
Le 29 mai 1996, nous nous rendons à Fontenay-aux-Roses pour poster nos envois. Une fois sur place, nous avons voulu voir l’endroit exact où il avait fait le saut, mais ayant oublié de regarder l’adresse dans le catalogue avant de partir (Yves Klein, Hayward Gallery, 1995), nous cherchons des renseignements auprès du Centre culturel et de la Bibliothèque municipale. Sans succès.
Pierre Yves, la photo du “Saut dans le vide” en tête, est pourtant persuadé que c’est dans une rue presque perpendiculaire à la voie ferrée qu’il a eu lieu, puisqu’on voit un bout de la gare à l’arrière-plan de la photo.
En revenant de la bibliothèque, nous empruntons une passerelle qui surplombe la voie ferrée. De là, Pierre Yves remarque une église moderne entre deux maisons. Nous nous y rendons. Pierre Yves, en se plaçant sur le trottoir devant l’église, et en se tournant vers la gare, reconnaît, là, l’arrière-plan de la photo.
L’entrée de l’église, aujourd’hui au 7 rue Gentil Bernard, est dans le prolongement du portail qui figure sur la photo du “Saut dans le vide”.
Nous rentrons dans l’église. Nous découvrons que c’est une chapelle dédiée à Sainte Rita de Cascia. Nous avons alors le souvenir qu’Yves Klein avait fait une offrande à Sainte Rita en Italie, offrande qui avait été découverte des années après sa mort.
En rentrant à Paris, troublé par cette coïncidence, Tony Frank lit dans le catalogue que le saut a bien eu lieu au 3 rue Gentil Bernard et vérifie auprès du secrétaire de la chapelle qu’il y avait deux maisons à cet emplacement, rasées il y a une trentaine d’années.
Par ailleurs, Tony Frank cherche à savoir si la famille ou les héritiers d’Yves Klein ont quelque chose à voir avec l’implantation de la chapelle sur le terrain où se situait la maison d’où Yves Klein a fait son saut. A Fontenay-aux-Roses, personne ne peut le renseigner à ce sujet.
Le 6 juin, il décide alors de contacter directement la famille d’Yves Klein. Il joint Madame Rotraut Klein-Moquay, à qui il pose la question et découvre qu’elle n’était pas au courant de l’existence de cette chapelle à cet endroit.
Nous tenons à dire que nous ne sommes en rien des spécialistes d’Yves Klein. C’est parce que nous sommes les candides dans cette histoire qu’il nous a semblé important d’en donner ici le détail, tant les conclusions que chacun pourra en tirer nous apparaissent bouleversantes.
Pierre Yves ne peut s'empêcher de penser, à la lecture du récit des derniers jours de la vie d’Yves Klein, lecture qu’il avoue n’avoir fait que très récemment dans le catalogue de la rétrospective 95, que c’est un véritable chemin de croix qu’a vécu, alors, Yves Klein et que c’est à bout de souffle, qu’il est mort.
Il nous paraît clair aujourd’hui que nous ne pouvions nous contenter d’envoyer notre ouvrage sans dire ce qu’il a mis à jour.
Ainsi nous sommes persuadé que l’échange que Tony Frank a eu avec Madame Rotraut Klein-Moquay le 6 juin était voulu par Yves Klein, tout comme la chapelle, tout comme tout ce qui nous amena à la découvrir.
Fait à Paris, le 15 juin 1996
Pierre Yves Clouin Tony Frank Paschall
PY Clouin X TF Paschall
Lettre à Catherine Millet, rédactrice en chef d'art press
Paris, le 16 décembre 2000
Pierre Yves Clouin
Tony Frank Paschall
Madame Catherine Millet
Directrice de la rédaction
Art Press
8, rue François Villon
75015 Paris
Madame,
Nous avons eu la mauvaise surprise à la lecture du texte de M. François Albéra, intitulé Yves Klein et Jean-Luc Godard rue Campagne Première chutes et envols, dans le numéro d’Art Press de décembre 2000, de constater que notre travail sur le sujet n’était pas cité.
Le lien entre le Saut dans le vide d’Yves Klein et la chute de Michel Poiccard/Jean-Paul Belmondo dans Á Bout de souffle de Jean-Luc Godard, nous l’avons pourtant établi clairement, et les premiers, dans notre envoi postal du 29 mai 1996, en mémoire de la mort d’Yves Klein. Cet envoi a été suivi d’une lettre le 15 juin 1996.
Dans cette lettre, nous expliquions exactement comment m’était venu, à moi, Pierre Yves Clouin, ce lien entre les deux images avec la rue Campagne Première comme clef du lien et comme point de départ de notre découverte de l’existence de la Chapelle Sainte Rita sur le lieu même où Yves Klein a fait son saut, immortalisé par le photographe Harry Shunk.
Cet envoi et cette lettre adressés en 1996, à nombre de protagonistes encore vivants et nombre de personnes concernées - et à vous aussi, Madame - nous avaient alors valu un important courrier en réponse, un entretien de dix minutes avec Pierre Descargues, ami et photographe d’Yves Klein, dans son émission Les Arts et les Gens sur France Culture le 8 juillet 1996, où nous avions expliqué dans le détail notre démarche et notre découverte, ainsi qu’une mention de cette découverte dans un article d’Elisabeth Lebovici dans Libération le 5 septembre 1996, intitulé Poste restante.
Vous n’avez pu l’ignorer. Mais évidemment il n’y a rien eu sur notre travail dans Art Press, puisqu’il vous a fallu quatre ans (quatre ans, Madame !) pour vous apercevoir, enfin, que le sujet méritait un article. Il semble donc pour vous inconcevable que des artistes aient pu saisir en un rien - un morceau de papier, une photo, quelques mots - ce qu’un enseignant nous assène parfois péniblement pendant plusieurs pages.
Vous avez préféré le pédago aux artistes. Rien de bien nouveau puisque depuis quelque temps, il semble à feuilleter Art Press, qu’une tenace morbidité vous colle à la revue. Morbidité dont est encore tout emprunt le texte de M. Albéra. La mort le hante à tel point que nous pouvons nous demander si c’est par fatigue ou par ignorance, qu’il commence son papier par une contre-vérité en affirmant qu’il n’y a pas eu rencontre entre Yves Klein et Jean-Luc Godard… Or, ces deux artistes se sont rencontrés sur le lieu du tournage d’Á Bout de souffle, rue Campagne Première. Nous le savons de source sûre.
Si l’article insiste sur l’étrangeté des coïncidences, cela ne nous étonne pas, puisque après la découverte de la Chapelle Sainte Rita sur le lieu même où Yves Klein a fait son saut, nous disions dans notre lettre relatant cette découverte :
«Pierre Yves ne peut s’empêcher de penser, à la lecture du récit des derniers jours de la vie d’Yves Klein, lecture qu’il avoue n’avoir fait que très récemment dans le catalogue de la rétrospective 95, que c’est un véritable chemin de croix qu’a vécu, alors, Yves Klein et que c’est à bout de souffle, qu’il est mort. Il nous paraît clair aujourd’hui que nous ne pouvions nous contenter d’envoyer notre ouvrage sans dire ce qu’il a mis à jour. Ainsi nous sommes persuadés que l’entretien que Tony Frank a eu avec Madame Rotraut Klein-Moquay le 6 juin [1996] était voulu par Yves Klein, tout comme la chapelle, tout comme tout ce qui nous amena à la découvrir.»
De fait, là où M. Albéra ne fait que taquiner l’éternel, nous, nous assumions alors le mystère découvert avec toutes ses conséquences.
Nous, nous avons été jusqu’au bout de la logique des coïncidences.
Cela vous a sans doute gêné. D’autres que vous ont eus le mérite, le courage de reconnaître ce que nous avions alors dévoilé. Vous, vous avez fait semblant que cela n’existait pas, pour plus de quatre ans plus tard donner la parole à quelqu’un qui tout prof qu’il est, n’est qu’un plagiaire. Car sans le lien que nous avions établi en 1996 entre les deux images - le Saut dans le vide d’Yves Klein et la chute de Michel Poiccard/Jean-Paul Belmondo dansÁ Bout de souffle de Jean-Luc Godard - son article serait insignifiant.
En niant notre acte artistique, et en reprenant ce texte de M. Albéra, Art Press, par deux fois, a agi en négationniste artistique.
Bref, vous, à Art Press, vous êtes tombés bien bas.
Nous nous réservons le droit de dénoncer, de toutes manières, ce que nous considérons comme une malhonnêteté intellectuelle et un misérable procédé.
Pierre Yves Clouin Tony Frank Paschall
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